Ma mère était une bonne mère - Texte hommage



C’est un moment que j’ai imaginé, redouté et cauchemardé mille fois.

En ouvrant le fichier pour commencer à taper les mots que je vous lis ici, mon cœur s’est mis à palpiter. De stress, d’angoisse, de tristesse et de peur.


Avoir une mère malade comme l’a été la mienne, c’est se préparer au pire depuis des années. J’ai cru mille fois la retrouver morte, j’ai redouté tous les appels à l’hôpital. Des scénarios de ce moment j’en ai imaginé trop pour pouvoir les compter. Pourtant ici, aujourd’hui et depuis 10 jours, rien ne ressemble à ce que je croyais que serait la mort de ma mère.

Je savais déjà qu’on n’était jamais prêts à la perte d’un être cher, même lorsque l’on s’y prépare. Ce que je ne savais pas, c’est ce gouffre qui s’ouvre dans le cœur quand on perd sa mère. Je ne savais pas le sentiment abyssal qui surgit lorsqu’on apprend la mort de sa mère. Je ne savais pas l’enfant qui revient, qui pleure sa mère, jour et nuit, nuit et jour. Je ne savais pas les regrets qui s’immiscent, l’infinie tristesse lorsqu’on range les placards.

Je ne pensais pas pleurer devant les petits emballages de ses colorations blondes qu’elle avait soigneusement découpés et empilés afin, je pense, de se souvenir de la teinte qui lui allait.


Je ne savais pas tout ça et maintenant je suis là et je dois trouver les mots pour lui rendre hommage, pour faire de cet instant quelque chose de beau, quelque chose qui lui aurait plu.


Je vais commencer par ce qu’elle n’aurait pas dit, ce qu’elle n’aurait pas aimé entendre mais je crois qu’il m’est impossible de parler de ma mère sans en passer par là.

Comme beaucoup le savent, la plupart je pense, ma mère a eu un terrible accident de la route lorsqu’elle avait 16 ans. Elle aimait en rire et dire qu’elle avait toujours eu des goûts de luxe puisqu’elle s’était même payé une Mercedes. C’est bien la seule chose qui prête à sourire dans cette histoire puisque cette voiture a renversé ma mère et mis sa vie à sac. 


On ne saura jamais dans quelle mesure l’accident à provoqué ou rendu plus sévères les problématiques psychiques et d’addiction qu’elle subira toute sa vie, mais il est presque impossible de parler d’elle sans évoquer cela. Parler de ma mère sans évoquer sa maladie m’est impossible puisque la maladie m’a volé ma mère.


Pourtant, je ne veux pas m’éterniser sur les manifestations de cette maladie ici. Je l’ai fait ailleurs, je le ferai sûrement de nouveau, mais aujourd’hui je souhaite qu’on laisse la lumière entrer et que ce soit ça que chacun retienne d’elle en repartant de cette cérémonie.


Tout d’abord, parce que c’était important pour elle, parce que c’est important pour moi, je voudrais que chacun se souvienne d’à quel point ma mère était belle. Blonde, les yeux bleus perçants, souriante, toujours très élégante, un parfum entêtant (poison de Dior) qui faisait se souvenir d’elle après son passage. Ma mère aimait se faire belle, aimait qu’on la trouve belle. Alors je souhaiterai que chacun garde cette image là d’elle. Celle d’une belle femme.


Ma mère était aussi une femme drôle, généreuse, intelligente. J’ai des souvenirs d’elle qui danse, qui rie, qui donne. Même dans les moments difficiles elle me surprenait avec des remarques fines, des analyses intelligentes et des traits d’humour inattendus.


Ma mère a été une mère aimante, attachée à ses enfants, Coline, Nicolas et moi, qui étaient sa plus grande fierté.


Des échanges que j’ai depuis son décès je retiens que ma mère a marqué positivement son entourage. Qu’elle était une femme loyale, attentionnée, qui maintenait des liens forts et durables avec les gens qu’elle aimait, malgré le temps, la vie, qui séparent souvent les gens, et malgré la maladie. Les textes qui ont été lus ici, mais aussi les mots que nous avons reçus et surtout votre présence en sont la preuve. Je veux également garder ça de ma mère, cette capacité, malgré toutes les difficultés qu’elle aura traversé, à donner et recevoir de l’affection, à maintenir ses amitiés et à laisser d’elle une image positive.


Certains le savent, je perds ma mère au moment où je vais devenir mère moi aussi. Drôle d’enchevêtrement qu’est la vie.

Chemin faisant j’apprends à quel point il est commun de juger les mères pour tous leurs choix. Aucune mère n’est jamais épargnée, elles sont toutes trop ou pas assez.

Je sais à quel point ma mère a pu être jugée pour la mère qu’elle a été, je sais qu’elle n’aura pas été épargnée, je sais le manque de compassion et d’empathie qu’elle a pu vivre.


Alors ici, c’est la première occasion que j’ai de dire, publiquement et oralement ceci : Personne n’a le droit de juger ma mère pour la mère qu’elle a été si ce n’est ses enfants. Et moi qui suis sa fille, je vous le dis : ma mère a été une bonne mère, la meilleure mère pour moi et surtout, la seule que je voudrai avoir.


Ma mère était une belle femme, ma mère était une femme intelligente, ma mère était généreuse, drôle, aimante, ma mère était une bonne mère. Voilà ce que j’aimerai qu’on retienne d’elle aujourd’hui.


Maman, embrasse Papy et Mamy. Je vous souhaite à tous les trois d’enfin trouver la paix que vous méritez tant.


Je t’aime Maman.



J'ai écrit ce texte pour rendre un dernier hommage à ma mère lors de ses obsèques. Je ne savais pas si je le publierai, je n'ai jamais publié celui que j'avais écrit pour la cérémonie d'obsèques de mon grand-père car je n'en voyais pas nécessairement l'intérêt. Mais le texte que j'ai écrit pour ma mère à une autre dimension, je crois, il ne s'agit pas juste de dire que j'ai aimé ma mère et que je l'aimerai à jamais, mais il s'agit aussi de rappeler qui elle a été au-delà de la maladie. Et puis, je crois que j'ai besoin que tout le monde entende ces mots, ceux par lesquels je dis que ma mère est la seule mère que j'aurai voulu avoir, que je ne l'échangerai contre aucune autre. Je ne l'ai jamais dit de son vivant, jamais comme ça, jamais publiquement, alors ces mots je vais les répéter maintenant jusqu'à ce qu'ils soient banals et que personne ne les remette en question : ma mère était une bonne mère.


Commentaires

  1. Ce texte est absolument magnifique, bouleversant. Je ne connais pas ta mère, pas ta vie, et pourtant je suis émue aux larmes.

    RépondreSupprimer
  2. Tu écris si bien ! Je suis en larmes . Bravo pour ce texte et le courage d avoir réussi à le lire à l église !

    RépondreSupprimer
  3. ton texte est bouleversant, j'ai la gorge serrée. Ta mère était une bonne mère, et elle peut être fière de sa fille <3

    RépondreSupprimer
  4. Ces mots sont tellement beaux. Je ne connaissais pas votre mère mais je suis touchée. Je vous envoie mes pensées de soutien.

    RépondreSupprimer
  5. Il est magnifique ce texte. Pensée pour la future maman que tu es, qui sera, comme sa mère avant elle, une bonne mère. Merci de l'avoir partagé.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Anaëlle, pour ce message et pour tous nos échanges 💜

      Supprimer
  6. Hortencia Summers26 août 2022 à 21:12

    Merci de nous avoir partagé tes mots ❤️

    RépondreSupprimer
  7. DOMINIQUE GREGOIRE30 août 2022 à 22:27

    Arielle, ton hommage à ta chère Mère et notre Pascale m'a bouleversé, le relire me donne des frissons. Oui Pascale, ta, votre maman était une très belle femme et une bonne mère et très fière de ses enfants. Chaque jour je pense à elle, je revois tous ces bons moments passés ensemble. Gros bisous à vous et prends soin de toi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Dominique, je pense fort à toi ! Gros bisous

      Supprimer
  8. Merci pour ce texte que j'avais, je crois, besoin de lire. Il résonne étrangement: ma mère est décédée en avril, ma fille avait 4 mois. Un accident de la route avait tout mis à terre à 26 ans pour elle et l'addiction résultante sans doute causé la maladie qui l'a emportée... Oser dire cela, ma mère était une bonne mère, c'est un beau partage

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés