Le cliquetis de la vie #9 Changer

Ce n'est jamais une décision facile à prendre, ce n'est jamais aisé, c'est même inconfortable que de décider de se séparer d'une partie de ce qu'on a été, de décider qu'on ne peut plus accepter certaines choses et qu'on doit avant tout penser à soi-même.
C'est douloureux comme décision, c'est déchirant. Parce que oui, sur le chemin de la construction de soi, de l'affirmation de qui on est il n'est pas rare de perdre des gens qu'on aime, de ceux avec qui on avait construit des relations sur de mauvaises bases. Il peut s'agir des meilleures personnes du monde, quand on décide de changer les codes d'une relation on prend le risque de la briser.

J'ai passé des années à faire tout un tas de choses pour les autres, pas par altruisme mais simplement parce que j'avais le sentiment que c'était la seule façon qui pouvait me donner l'accès à l'amour des autres. Accepter d'attendre les gens, accepter d'être disponible à toute heure et à chaque instant. Accepter qu'on annule, repousse, décale, accepter que ce soit à moi de toujours m'adapter. Accepter d'avoir mal à leur place, accepter de m'attacher plus, accepter n'importe quoi pourvu qu'on me donne des miettes d'amour que je pensais ne même pas mériter.

Puis on grandit. Puis, j'ai grandit. En un an, un milliard de choses ont changé. Il y a eu la déception de trop, et la suivante. Il y a eu des millions de questions auxquelles j'ai trouvé des milliards de réponses possibles. Il y a eu de l'amour, beaucoup d'amour. Des amis bienveillants et ceux qui le sont moins. Chaque blessure est une leçon, chaque caresse un pansement.
J'ai le sentiment de prendre une décision cruciale par jour ces temps-ci. C'est épuisant, mais je sais que c'est pour de meilleurs lendemains. Je sais aussi que la fatigue est due aux années à subir l'amour plutôt que d'en être l'auteur. Je me suis écorchée pour ce que je croyais être l'Amour. Écorchée à un point que je ne mesure toujours pas complètement, que je découvre un peu chaque jour. Puis j'ai tenté de panser mes plaies en quémandant cet amour. L'amour ne se quémande pas, il se donne. Si le retour de ce que tu donnes ne te rends pas heureuse, continue ta route, elle sera pavée de belles histoires.

Prendre cette décision de continuer sur le chemin, en laissant de ceux qui étaient si importants (et qui le seront toujours), n'est pas évident. Parce qu'on s'aime vraiment mais qu'on ne s'aime pas avec les mêmes attentes. Parce que j'avais laissé penser que j'étais capable d'accepter la situation pour l'éternité.

Je crois que ça risque d'être déstabilisant pour les gens autour de moi, cette façon que j'ai aujourd'hui de dire parfois : "Je ne peux rien faire pour vous, je ne vais même pas essayer. Je ne vais embêter personnes avec mes problèmes mais j'aimerai aussi qu'on arrête de me demander de résoudre ceux des autres" là où j'aurai cherché des solutions dans un désert il y a encore peu de temps. J'ai appris à dire "non, je ne peux pas" quand je sens que les choses ne sont pas de mon ressort. Ça ne veut pas dire s'absenter, ça ne veut pas dire abandonner, ça veut simplement dire, apprendre à lâcher lorsque tenir ne sert à rien d'autre qu'à se bruler les mains. Je me brûle toujours les mains, mais moins souvent et moins fort, alors elles sont plus solides quand ça vaut le coup de tenir la corde de toutes ses forces.

Je crois que je dois aussi ce chemin récent à mon petit frère, mon doux chaton. Il donne l'amour d'une manière incroyablement désintéressée. Je savais déjà que les enfants faisaient ça, j'ai des petites sœurs incroyables. Je savais déjà que les frères aimaient de manière pur, j'ai un grand frère merveilleux. Certainement a-t-il simplement planté la graine au bon endroit de mon cerveau, au bon moment de ma vie. Il m'aime, il ne s'en cache jamais, il est de ceux qui me rendent mon amour en le multipliant.

"Arielle, ça fait longtemps que tu n'es pas venue", "Arielle, tu pourras venir la prochaine fois que Coline vient?". Il me dit je t'aime avec des mots plus forts que n'importe quels mots d'amour. Il me dit je t'aime en me disant que je lui manque mais sans jamais utiliser ni le mot amour ni le mot manque. Il dit je t'aime avec le cœur, l'amour se glisse entre des mots banals. C'est important d'écouter les enfants, ils nous donnent des leçons de banalités, celles-là même qu'on oublie trop vite, celles-là même qui sont les seules choses vraiment importantes dans une vie. C'est utile, puisque c'est joli.

Peut-être qu'un jour tu me liras mon amour. J'espère alors que tu verras à quel point je t'aime.

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