J-3 du grand départ...!


Comment je me sens? Fatiguée, impatiente, nerveuse, excitée. J'ai le sentiment de porter un vieux pansement et j'ai envie de l'arracher d'un coup. J'ai envie que ça passe vite. Parce que je me connais. Là je suis un peu stressée (est-ce que je n'ai rien oublié? Est-ce que ça va bien se passer?) mais une fois sur place ça sera le pied (parce que si j'ai oublié quelque chose d'important je trouverai sur place et que oui ça va bien se passer). Mais on ne se refait pas et je fais tout ça aussi pour cette sensation. Quoi de meilleur que de faire le bilan dans trois semaines et de me dire "oui t'avais peur mais t'es quand même allée au bout et tu t'en es bien sortie"? 
Je vais bien m'en sortir, comme toujours. 
Parce que j'ai cette ressource là en moi, celle de m'adapter à tout ou presque, de comprendre un nouvel environnement rapidement. J'ai ça en moi et j'ai besoin de l'éprouver intensément pour m'en souvenir. J'ai besoin de me faire un peu peur pour vraiment sentir de quoi je suis faite.

Je ne pars pas toute seule par hasard, par un amour profond de l'aventure ou par militantisme. Je pars seule en raison de mon histoire, de mes peurs et de mes forces. Je pars seule parce qu'il y a des joies difficiles à reproduire et des peines pénibles à apaiser. 
Je ne m'étais jamais posée la question du "pourquoi je pars seule". Jamais vraiment. Si vous m'aviez demandé y a quelques mois et surement encore si vous me demandez aujourd'hui, je ne dirais pas les raisons profondes de ce choix. Je ne les comprends que maintenant, et même si j'ai su dès mon premier voyage que tout ça venait de mon besoin de me prouver quelque chose, je ne savais pas à quel point c'était aussi le moyen d'en éviter d'autres. Maintenant que je le sais, ça ne change rien dans le fond. J'aime partir seule, j'ai envie d'arrêter de le faire pour fuir mais j'ai sincèrement envie de continuer pour tout le reste. Mes voyages solos sont les expériences les plus intenses et enrichissantes de toute ma vie.

On n'apprend jamais autant qu'entre 0 et 3 ans. 
Dans toute sa vie cumulée. Tu n'apprendras plus jamais autant de choses que ce que tu as appris dans ta toute petite enfance. C'est frustrant parce que j'adore apprendre. Je n'apprendrais plus jamais à lire pour la première fois, ni à parler. Je n'apprendrais plus jamais à marcher. Si un jour pour une raison ou une autre je dois réapprendre l'une de ces choses, ce sera un réapprentissage. Les premières fois ont ceci de précieux qu'elles sont uniques et non renouvelables. Ça n'enlève rien au reste bien sûr. Et on peut toujours trouver des premières fois dans son quotidien. C'est pour ça que je pars loin et seule, pour les premières fois que je ne peux plus revivre dans un environnement que je connais si bien. Je pars parce qu'au bout du monde, seule, dans un lieu dont tu ne parles pas la langue et dont tu ne maîtrises pas la culture tout est première fois : la première fois que tu goûtes à un plat, la première fois que tu comprends un rite, une coutume, des mœurs, la première fois que tu touches la gentillesse de tes doigts. 
C'est la seule chose qui est pour moi une éternelle première fois : l'extrême gentillesse des gens. 
J'ai chaque fois le sentiment de ne pas mesurer à quel point le monde est remplis de belles personnes, à quel point le monde déborde d'humanité. On a tendance à focaliser sur les mauvaises personnes, celles qui font du bruit et qui provoquent des drames. Mais soyons honnêtes, si la majorité des humains était foncièrement mauvaise on n'aurait depuis longtemps arrêté de s'aimer. Je crois sincèrement qu'il y a peu de personnes intrinsèquement mal-intentionnées, depuis toujours je pense que nous sommes tous des gentils, certains l'ont juste oublié, par paresse, peur ou ignorance. Et si on prenait tous conscience de ça, les vrais méchants, ceux qui n'ont pas une once de gentillesse, ceux-là auraient du souci à se faire. La malveillance ne survit pas à la douceur d'une gentillesse inébranlable.
C'est cette gentillesse, qu'on retrouve inexorablement dans le monde entier, cette gentillesse universelle aussi si joliment appelée "humanité", cette gentillesse qui me fait gonfler de cœur de bonheur, de larmes et d'amour que je vais chercher seule au bout du monde. Parce que seule, je ne me contente pas de l'observer, je l'éprouve, et rien n'est plus fort que ça : éprouver l'amour, le vrai, celui qui n'attends rien celui que tous les humains cherchent à donner.

Voilà pourquoi je voyage, pour la gentillesse du monde.

Commentaires

Articles les plus consultés