Le cliquetis de la vie #11 Allons voir un coucher de soleil

 

Il y a eu le réveil manqué, le bol de céréales avalé au lance-pierre, le jean enfilé à la va vite. Un peu de parfum pour habiller la peau, pas de maquillage. Les bagues quand même, pour ne pas se sentir nue. 

 

Il y a eu ce tram bondé dans lequel on se colle à des inconnus, ce même tram qui n’arrive pas à destination et qui oblige à marcher vite pour rattraper le retard.

 

Il y a eu l'impression de commencer la journée par la fin. 

 

C'était irritant, c'était exaspérant comme de perdre son temps à chercher l'endroit où commence le ruban adhésif en grattant avec le doigt pour trouver l'imperceptible interstice.

 

Tout ça parce qu’avant il y avait eu l’insomnie. Le livre qu'on ne veut pas fermer. Le téléphone qu'on ne peux pas poser. Tous ces gestes incontrôlés pour éviter de ne plus avoir que soi à penser.

 

Il y aura encore des matins express à courir après le temps qu’on a perdu, il y aura de nouveau des nuits interminables à ne pas pouvoir dormir.

 

Il y aura des matins pâles, des journées grisonnantes et des nuits blanches.

Il y aura encore les réveils qui meurtrissent un peu, les jours lourds et inertes et les soirées creuses.

 

Il y aura la fatigue et l’agacement, la rudesse et les rouleaux compresseurs.

 

Il y aura la sensation que le corps ralentis l'esprit et que l'esprit empêche le corps. Le sentiment que la gravité est plus forte aujourd'hui et que le plafond est plus bas. L'impression que les vêtements ont rétrécis, qu'ils tiennent trop chaud en haut, pas assez en bas, qu'ils limitent les mouvements et ralentissent la marche.

Toujours il y aura des matins chagrins et des nuits mélancolie.

 

Tout cela se répètera. Une fois. Mille fois. Qu’importe. 

 

L’essentiel c’est qu’il y aura toujours un coucher de soleil en guise de compresse, un ciel rougeoyant comme baume réparateur, un feu de soleil qui réchauffe les yeux comme le cœur.

 

Ce ciel dont on s'enduit la poitrine le soir venu, pour un lendemain léger et un matin sucré.