Comment on fait un bébé ? #28 Donner naissance c’est s’éloigner




Janvier 2023


La date de mon terme est dans un peu plus de 3 semaines. Mon bébé pourrait arriver n’importe quand, il est prêt. Moi non.

Au-delà des craintes qui sont celles de savoir si ça va aller, si je vais m’en sortir avec un bébé, si mon couple va souffrir de cette nouvelle venue. Au-delà de la peur de ne plus avoir le temps pour rien, il y a autre chose qui prend beaucoup de place.

Une fois que mon bébé sera sorti, et pour la première fois depuis qu’il existe, je ne serai plus chaque instant, chaque seconde, celle qui veille et protège mon enfant. Christine Angot dit que la rencontre avec une mère (biologique) est la seule qui pour se faire nécessite que les deux individus s’éloignent l’un de l’autre. Et je crois que c’est ça qui me fait le plus peur, c’est ça qui fait que je ne me sens pas prête. Car la naissance de mon bébé signifie notre éloignement.

A l’instant où il prendra son premier souffle cela signera la fin d’une proximité physique que nous ne retrouverons pas.


Aujourd’hui et depuis des mois, je sais en permanence que mon bébé va bien. Je le sais car il est en moi, en sécurité, au chaud, protégé par ma peau, ma chair, mon sang, mes os. Je sais qu’il est avec moi et j’ai pour le moment parfaitement confiance en moi. Depuis bientôt 9 mois, je sais que toutes les décisions que je prends pour lui et moi je les prends dans un souci de lui garantir le meilleur sans pour autant oublier de prendre soin de moi. Prendre soin de moi c’est de toute façon prendre soin de lui.


Lorsque mon enfant, mon petit amour, ne sera plus au creux de mon ventre, je n’aurai plus cette maîtrise là. Je vais devoir le confier à d’autres bras, je vais devoir apprendre à faire confiance aux autres et au monde pour chérir avec autant de soin possible la chair de ma chair.


C’est terrible mais j’ai peur. Peur des autres, peur de leurs gestes, peur qu’ils veuillent accaparer mon bébé, me le retirer. J’ai peur de mon corps qui finira par expulser mon enfant de lui, et j’ai peur des soignants qui s’en chargeront si le corps, guidé par l’esprit, ne veut pas se délier de lui.


Oui j’ai peur du manque de sommeil et du temps que je n’aurai plus, mais j’ai surtout peur de mettre au monde mon enfant et que ça m’éloigne de lui. Je le veux tout près, je le veux ici, encore un peu. Encore un peu de ces moments où l’on se parle sans un mot, ou l’ont se touche à chaque instant. Encore un peu, juste le temps de tout graver dans mon esprit.

Et après, il faudra apprendre, apprendre à mettre au monde, à vivre sans mon tout petit au creux de moi. Apprendre à laisser vivre, car tu ne m’appartiens pas.

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