"Ce soir tout mon coeur est à Paris." (Post facebook, 13 Novembre 2015 23h12).

Je ne pensais pas qu'un an après les choses seraient encore aussi fraiches dans ma tête, comme si c'était hier. C'était hier. Hier je perdais 130 de mes frères et sœurs. Hier, 130 âmes terriblement similaires à la mienne perdaient la vie. Comme un clap de fin qui intervient au mauvais moment de la scène. Le pire moment qui soit.

Ils s'aimaient, ils riaient, ils dansaient, ils buvaient un verre en terrasse, mangeaient leur plat préféré dans un restaurant, chantaient à un concert ou se promenaient simplement dans les rues de la capitale.
Ils étaient à un âge où l'on boit le vendredi soir pour fêter la fin de la semaine, où l'on fait l'amour à des inconnus, où l'avenir vous tend les bras et le passé n'existe pas vraiment. Ils étaient à cet âge où l'on aime à en vouloir des enfants, où l'on se paume dans des jobs à la con, avant de trouver le bon. Cet âge où l'on est plus fort que tout, plus fort que la génération d'avant qui nous laisse ses emmerdes, plus fort que ce patron qui voudrait nous faire entrer dans des putains de cases de merde, et surtout plus fort que la mort qui, le pense-t-on, ne nous atteindra jamais.

Mais parfois on se trompe. Et parfois on meurt. Même à 25 ans. Même avec l'avenir devant soi. Même si on va donner la vie. Même si on fait l'amour 3 fois par jour. Même si on a jamais rien fait pour mériter ça.

Et ils n'avaient rien fait pour mériter ça.

Il méritaient une vie d'adulte qui finit par rentrer dans les cases : métro boulot dodo, une femme, deux enfants, un labrador et un pavillon en banlieue. Ils méritaient une vie à se chercher, à faire toujours les choses un peu à l'envers, un enfant sans mec, une nouvelle carrière tous les deux ans, 45 cafés par jours et un joint le weekend. Ils méritaient une vie d'éternel ado, à jouer à la console tous les weekends, entouré d'une bande de pote et aller aux conventions mangas ou jeux vidéos. Ils méritaient de réussir ou de se planter, d'aimer, de détester, de s'engueuler, de rire, de voyager. Bref, ils méritaient de vivre. Pas de se faire tuer. Pas de mourir sous les balles de gamins de leur âge. Ils méritaient un avenir.

Mais on ne leur a pas laisser le temps de tout ça. Ils ne sont plus en vie. Ils n'aiment plus. Ils ne rient plus. Ils ne dorment plus. Ils ne se réveillent plus le dimanche matin avec le corps nu d'une belle inconnue rencontrée la veille. Ils ne s'endorment plus le soir avec l'envie de passer le reste de leur vie avec celui qui partage leur lit. Ils n'ont plus à choisir. Plus de verre de trop, plus de clope, plus de cœur qui palpite, plus de jour avec et de jour sans, plus de café chaud, plus d'adieu qui font pleurer ni de retrouvailles qui font rire. Ils ne sont plus là. Le présent n'est plus pour eux, ils sont à conjuguer au passé.

Ils sont l'une des plus grande peine de ma vie, l'un des plus grand traumatisme que j'ai eu à traverser. Ils sont l'expression de mon impuissance. Ils sont ma peur lorsque j'entends les sirènes de pompier. Ils sont mon cœur qui se serre lorsque j'entends un bruit sourd. Ils sont la majorité des larmes que j'ai pu verser depuis un an. Ils sont ma gorge serrée lorsque j'écris ce texte, les larmes que je ravale à l'instant même. Ils ne sont plus là, mais je ne pourrais jamais les oublier.

Le 13 novembre 2015 à 22h je sors de mon cours de danse quand je reçois des notifications sur mon téléphone que je ne comprends pas au sujet d'une fusillade à Paris, suivi de deux messages de ma sœur "tu sais ce que c'est ce bordel à Paris?" et "Papa est a Paris ce soir". Mes larmes qui coulent toute seules alors que je suis dans le tram. Je ne cherche même pas à les retenir. C'est sans importance. Des minutes ressemblant à des heures avant de savoir que mon père va bien. Une nuit sans dormir. Des jours à pleurer en comptant les morts. Des heures à écrire pour essayer d'évacuer le trop plein. Je n'ai jamais compris ce qui avait pu pousser ces fous à tuer aveuglément comme ils l'ont fait. Tout ce que je sais, c'est que le 13 novembre 2015 ma vie à connu un tournant. J'ai découvert la peur comme je ne l'avais jamais ressentie. J'ai pleuré pour des inconnus qui me ressemblaient. J'ai décidé que l'amour devrait remplir ma vie à chaque instant afin de ne jamais laisser de place à la haine. Le 13 novembre dernier, la haine à tué 130 personnes, blessé des centaines d'autres, touché une génération entière et endeuillé la France, n'oublions jamais ça.

Un an après, le meilleur conseil que je puisse nous donner c'est de s'aimer encore et encore. On réfléchit mieux le cœur remplit d'amour.

Avec tout mon amour,

Ari

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