Sexisme, racisme, homophobie, transphobie. Chacun devrait prendre les responsabilités de son statut privilégié.

 C'est à la toute fin du mois de janvier 2019 que je détermine enfin quels seront mes objectifs pour cette nouvelle année. Ils seront au nombre de trois :
  1. Enrichir ma culture féministe afin d'être mieux armée face au sexisme. Le sexisme est un mécanisme insidieux (comme tous les mécanismes oppressifs) qui nous conduit à le perpétuer sans même nous en rendre compte. Avoir conscience des sources et manifestations d'un phénomène est une étape essentielle à sa déconstruction.
  2. Adopter un mode vie intégrant au maximum une attitude éco-responsable (j'y reviendrais éventuellement dans un prochain article).
  3. Déconstruire les mécanismes racistes, homophobes et transphobes que j'ai pu intégrer.


Les objectifs 1 et 3 rejoignent une même logique et partent d'un constat ; à force de me questionner, de me documenter et de réfléchir sur le sexisme je me retrouve confrontée à un phénomène que j'avais négligé : même parmi les hommes se revendiquant féministes, rares sont ceux qui acceptent et admettent faire partie d'une catégorie dominante, bénéficier de privilèges dû à leur genre et avoir intégré et perpétué des comportements sexistes (ce dernier point concerne aussi les femmes).
Le mouvement #MeToo nous a fait apparaitre une marrée d'hommes se dissociant totalement de ceux qui harcèlent et violent sans jamais remettre en question leur rôle et leurs responsabilités dans le système sexiste dans lequel nous évoluons.
Sans vouloir la tête de ceux qui cherchent à faire bien, ceux qui tentent de bouger les lignes, j'ai découvert un monde où être un homme féministe c'était toujours être un dominant, c'était évoluer dans un monde où, de fait, on part avec un bonus : gagner 20% mieux, ne pas subir de harcèlement de rue, être nettement moins exposé aux risques de violences sexuelles.

Une fois ce constat fait l'objectif est de travailler sur ce sujet, comment faire comprendre à ces hommes qui ont le sentiment d'en faire beaucoup (et qui font certainement sincèrement des efforts importants) qu'ils bénéficient toujours d'une privilège lié à leur genre et que l'égalité ne sera réelle que lorsqu'ils auront abandonné ce privilège et qu'ils (et les femmes avec eux) apprendront à casser les dynamiques à l'origine des inégalités.



C'est alors que je me suis questionnée sur mon propre rôle dans la société, ma propre position dominante. Je suis certes une femme et je ne jouis donc pas des privilèges masculins, cependant je suis blanche, hétérosexuelle et cis-genre* et d'une classe sociale plutôt privilégiée. Toutes ces caractéristiques me permettent d'accéder à des privilèges de dominants. Être blanche, surtout dans un pays à majorité blanche, est un privilège par rapport à toutes les personnes non-blanches, je n'aurai par exemple jamais à vivre les refus multiples pour l'obtention d'un appartement ou d'un job en raison de ma couleur de peau. Être hétérosexuelle me permet d'accéder à des privilèges sociaux auxquels n'ont pas accès les personnes homosexuelles. Le raisonnement est le même concernant mon identité de genre par rapport à des personnes trans. De même que mon identité sociale m'ouvre facilement des portes, par exemple je ne me suis jamais sentie comme n'étant pas à ma place dans un musée, une bibliothèque ou un théâtre.


Toucher du doigt ces sujets m'a fait prendre conscience de deux choses :
  • Il n'est effectivement pas évident d'admettre qu'on est une partie d'un système auquel on participe, même si on le conspue. Il est plus difficile encore d'admettre qu'on a notre part de responsabilité et que ne pas être raciste, homophobe ou transphobe ce n'est pas seulement ne pas avoir de propos ou attitudes ouvertement discriminantes, mais c'est aussi travailler à tuer toutes leurs manifestations. Les discriminations agissent selon des mécanismes insidieux, difficiles à détecter si on ne se plonge pas réellement sur le sujet.
    Je ne veux pas être comme certains hommes que j'ai pu rencontrer qui balayent du revers de la main les discriminations que subissent les femmes en décrétant que l'égalité est acquise, parfois par manque total d'intérêt, mais souvent par absence d'écoute.
  • Je n'ai que très peu conscience ou idée des privilèges que je tire de mes positions dominantes, je ne sais que peu quels sont les mécanismes silencieux du racisme, de l'homophobie ou de la transphobie. Bien entendu je n'insulte personne en raison de leur sexualité, bien entendu je ne vais pas frapper des gens dans la rue parce qu'il ne sont pas blanc et évidemment que je n'évite pas les personnes trans. 
    Pourtant, quelques années en arrières je ne voyais pas non plus comment la façon dont nous choisissons nos places dans un bus, comment nous envisageons les relations au sexe opposé ou comment nous accordons plus d'importance à l'apparence des femmes qu'à celle des hommes sont des manifestations du système sexiste dans lequel nous évoluons. Il est donc fort probable qu'il en soit de même avec les autres formes de dominations sur lesquelles je n'ai passé que peu de temps à m'informer.
Alors maintenant quoi ? Que fait-on lorsque l'on veut changer les choses de manière sincère et profonde ? Par où commencer ?

Je vous livre ici les pistes que j'ai envisagée et/ou mises en pratique. Cest duplicable (je pense) à toutes toutes les luttes anti-discriminations, son efficacité est à éprouver mais j'ai tendance à croire que c'est un bon début et que, n'ayant d'autre outil que la méthode empirique, il faut tâtonner et trouver ce qui fonctionne le mieux au fil du temps.
Ma propre expérience avec le féminisme me conduit à penser que ce type de réflexion monte crescendo au fur et à mesure qu'on ouvre de nouvelles boites et qu'on aiguise des réflexions.

  1. Écouter, lire et apprendre des principales.aux concerné.e.s. On ne peut jamais prendre conscience de l'ampleur d'un phénomène discriminant si on ne prend pas le temps d'écouter sincèrement les personnes qui en sont victimes. Sans juger, sans donner son avis sur ce qui, selon nous ("nous"désignant des personnes ayant un statut de dominant, rappelons-le) n'est pas vraiment discriminant

  2. Il m'apparait aussi nécessaire de ne pas chercher d'excuses, avoir conscience que certaines attitudes ne sont pas volontairement racistes, n'en fait pas moins des attitudes qui participent à un système. Que j'ai eu des comportements ou discours alimentant une forme de discrimination sans en avoir ni conscience ni intention n'enlève en rien ne caractère discriminant. Chacun doit prendre ses responsabilités, chacun doit cesser de chercher des excuses. Tu as mal agit, prends en note et fait tout ce qui est en ton pouvoir pour ne plus recommencer.
    Encore une fois, et pour rester très précise, prendre ses responsabilités n'est pas se culpabiliser ou s'auto-flageller. Personne n'est coupable de manière innée et individuel des privilèges qu'il tire d'une construction sociale ou d'une autre. Cependant, nous sommes tous responsables de manière individuelle de ce que nous en faisons.
  3. Apprendre à développer au quotidien de nouvelles dynamiques, exprimer sa non adhésion à certaines pratiques ou certains discours, dialoguer sur le sujet, profiter de sa position pour faire passer le message.

    Attention, il ne s'agit pas là de devenir un héros protecteur des personnes discriminées. Il ne s'agit pas de jouer les superhéros, et si c'est votre objectif je vous conseille de changer de sujet pour le réaliser. La lutte contre les discriminations n'est pas un loisir dont les privilégiés peuvent se saisir pour se faire mousser. Parce qu'en plus de partir d'un raisonnement moisi en se servant des emmerdes des autres pour gagner en réputation, ce genre d'attitude est une nouvelle manifestation de la position dominante. Pour jouer à l'héroïne anti-homophobe, il faut être hétérosexuelle. Les homosexuel.les (remplaçable par non-blancs, non cis, femme,...) n'ont pas ce luxe, au mieux on trouvera normal qu'elles.ils se battent pour leurs droits, au pire on pensera qu'ils en font trop, qu'ils exagèrent. D'autant plus que se positionner en protectrice.eur c'est mettre la personne qu'on essaye de protéger dans une situation délicate (avait-t-elle envie qu'on prenne sa défense? A titre personnel, à-t-elle vécu la situation comme discriminante?) et infantilisante.
    Une des manières d'éviter cela, selon moi, n'est pas de prendre la défense d'une personne en particulier lorsque l'on assiste à une situation problématique, mais d'exprimer simplement qu'à titre personnel la situation nous dérange, et n'engager que soi-même par ses propos.
    La ligne est délicate, je le conçois amplement et j'ai encore moi-même du mal parfois à comprendre la limite. Oui il faut utiliser la voix qu'on a en tant que privilégié pour lutter contre les discrimination. Non il ne faut pas s'en servir pour son avantage personnel. A mon sens, une volonté sincère de jouer un rôle dans ces déconstruction nécessite, dans ce cadre là, d'oublier le "je" en faveur du collectif.


Sur ces sujets je vous conseille :
Concernant les questions liées précisément au racisme, à l'homophobie et à la transphobie, j'ai quelques pistes de podcast et œuvres à consulter, j'attendrais cependant de les avoir moi-même consultées pour les ajouter ici.


Photo by Elyssa Fahndrich on Unsplash


*Cisgenre : désigne les personnes dont l'identité de genre où le genre ressenti correspond à son sexe biologique, assigné à sa naissance.



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