Amerrissage #6 Avec des "si"




Mars 2023


Ces journées, Noam à mon sein, n’ont pas de temporalité. Elles sont longues et passent trop vite. J’ai le temps de me demander des heures durant : quand les tétées s’espacent-elles un peu ? Mais j’ai à peine le temps de boire un thé chaud.


J’aime l’allaitement, je déteste ses complications. Ce bout de sein en plastique sans lequel Noam ne sait pas téter me dégoûte par moment. Symbole que ce qui devrait être naturel ne l’est pas.


Je pense souvent à ça, à tout ce qui aura assuré la survie et la santé de mon enfant et qui n’est pas du ressort de la nature. De l’accouchement à l’allaitement, je pense à ça et un creux dans mon thorax s’ouvre. Une faille, un trou noir. Je crois que sans ça mon enfant serait mort. J’y vois une preuve de mon incompétence. Dans la nature, je serai peut-être morte aussi en donnant naissance.


Je pense souvent à ça, un monde sans Noam, un monde où Noam ne voit pas le jour car mon ventre l’étouffe. Un monde où Noam naît et meurt, parce que sans bout de sein, sans l’escadron des soignant.e.s qui m’apprennent à stimuler, stimuler Noam, stimuler mon sein, réveil la nuit, pipette de lait le jour…. Un monde sans Noam serait la pire des choses à raconter et à vivre.


Et pourtant je ne peux m’empêcher de me demander si mon enfant, mon doux bébé, aurait survécu s’il n’y avait que moi, sa mère, pour le mettre au monde et le nourrir.


A cette question je réponds par un terrifiant “non” et j’y vois la preuve de mon incompétence.


Pourquoi ce besoin de se projeter dans une vie hypothétique qui finirait en drame ?

Commentaires

Articles les plus consultés