Le cliquetis de la vie #6 - Carnet de voyage - Six ans après

Le 4 septembre 2012 - 23h00 (quelque part en Turquie entre Istanbul et Bodrum)
Je suis dans le bus pour Bodrum. J’ai passé ma journée à l’auto gare.
Assise comme une SDF avec mes affaires, un petit monsieur est venu m’offrir un thé et une chaise... un peu d’humanité et d’altruisme, ça fait tellement de bien.
Les gestes de gentillesse gratuite redonnent foi en l’humanité, un changement est possible, tout n’est pas figé et bloqué dans des rails qui nous conduisent vers une fatalité morose.
Le bus s’est arrêté sur un bac pour la traversée de la mer Marmara. J’y ai rencontré un couple d’arméniens très gentils avec qui j’ai discuté pendant la traversée.
Je suis contaminée par le voyage... et voyager seule est une expérience incroyable, belle, la plus belle de toute ma vie. Toutes ces rencontres c’est vraiment génial, intéressant, enrichissant. Les moments où je peux me sentir triste ne ternissent en rien cette expérience magnifique. Je pense déjà au prochain voyage : le Nord de l’Europe (Pays-Bas, Suède, Danemark,...)? Les pays de l’Est? Ou le Nord de la Grande-Bretagne? Je ne sais pas encore mais une chose est sure, je veux le faire seule et en auberge de jeunesse.
Cette expérience est cent fois plus enrichissante que tout ce que j’avais pu imaginer... je me découvre, je découvre le monde, les autres, l’humanité, l’hospitalité, les valeurs de la vie,... rien ni personne ne pourra jamais me reprendre tout ça, quoi qu’il arrive.

J’ai décidé de ne rien modifier de cet extrait de mon carnet de voyage turc qui aura bientôt 6 ans, même si cela me démange un peu pour certains passages. Cependant, j’aime lire dans cet extrait que cette fille de 22 ans qui sortait d’une histoire difficile, qui pensait, si peu de temps avant, qu’elle n’était capable de rien toute seule, porte déjà en elle ce qui m’anime consciemment aujourd’hui : l’amour des gens, l’apologie de la gentillesse gratuite, le sentiment que les souvenirs que l’on se créé au quotidien sont des trésors inaltérables. Je suis fière du chemin parcouru parce que je connais le passé de cette fille de 22 ans. Je connais aussi les errances dans lesquelles elle se perdra les mois suivants pour essayer, sans même le savoir, de se débarrasser du poids d’une peine incroyablement profonde et difficile à consoler. Je suis fière lorsque je relis l’ancienne moi car elle n’est pas si différente de celle d’aujourd’hui. Je suis heureuse de voir que dans mes mots du passé il y avait déjà les graines de ce que je suis aujourd’hui.
Si je pouvais dire quelques mots à celle que j’étais en 2012 ce serait : Tu as souffert à un point que tu ignores encore, tu es bien plus forte que tout ce que tu peux imaginer, tu es gentille et un jour, plutôt que de le cacher derrière de faux airs de caïds en mousse, tu porteras ta gentillesse en étendard. Ne t’inquiète pas trop, tu sais faire des choses incroyables de tes blessures. Prends les choses comme elles viennent, elles te prendront comme tu es.
Surtout, Arielle, sois patiente avec toi-même car la vie est trop courte pour ne pas se vouloir du bien.

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