Le cliquetis de la vie #7 - L'enfance

1995, une 4L sable (ou dorée? Peut-être que c'était l'argentée? Ou la bleue?) Peut-être que nous sommes dans l'alpha grise qui a un téléphone à l'intérieur. Peut-être qu'on n'est pas vraiment en 1995, peut-être que c'est 1997 ou alors 1994. Pour sûr, on est en enfance. La mienne.

Dans la voiture on joue du Souchon, du Dutronc ou peut-être Julien Clerc, maman aimait beaucoup Julien Clerc. Maman a acheté des Mentos, à la menthe et des mélange de fruits. Elle nous en distribue, à Nicolas, Coline et moi. Elle joue à Tétris sur sa GameBoy rouge pendant que Nicolas joue sur la grise. Je râle un peu intérieurement. Comme d'habitude je suis au milieu, Nico finira par s'endormir sur mon épaule. Çà m'énerve mais je le laisse dormir. C'est comme ça les frangins, ça énerve mais on les aime assez pour les laisser dormir sur son épaule. Bon parfois on les pousse quand même un peu, faut pas exagérer. C'est comme ça les frangins.
On ira tous au paradis passe à la radio, on chante tous. Coline demande "c'est quoi une putain?". On rit, je ris. Je ne sais pas ce que c'est une putain mais je suis plus grande alors faut que je fasse comme si je savais pourquoi c'est drôle.
On part en Bretagne. C'est les vacances, c'est bien les vacances.

En Bretagne on court pieds nus sur les graviers, on chasse les crabes pour organiser des courses, on fait du ping-pong, du babyfoot, des spectacles dont l'entrée coûte 10 francs aux adultes. On regarde le feu de cheminée et on va en ville pour appeler dans la cabine téléphonique. On mange des crêpes, des marrons et du ketchup (il y a toujours du ketchup quelque part).

Noël, chez Papy et Mamy. Le sapin touche le haut plafond. Il y a des jouets pour tous les enfants du monde, mis-à-part que c'est que pour nous. Papy nous filme, il m'appelle M'mzelle Zouzou pour que je l'engueule. Il aime me voir m'énerver. Mamy nous sert à peu près tout ce qu'on veut. Non, pas à peu près, elle nous sert vraiment tout ce qu'on veut. Elle fume beaucoup. Tout le temps même. J'ai un vélo (j'avais commandé une poupée qui fait du roller mais bon les adultes tu sais...), un baby born, des chocolats. Coline a eu une peluche Simba. C'est peut être pas tout ça en 1995, c'est peut-être aussi en 1994, mais pas 1996 parce que Mamy était déjà partie à Noël 1996.

Printemps. On a une cabane dans le cerisier. Enfin une planche dans l'arbre, mais il suffit d'une planche dans un arbre pour inventer une cabane. Un jour Nicolas sautera de l'arbre parce qu'il pensait qu'il pouvait voler. Un jour je tomberai du portique sur le dos parce que je pensais que mettre des gants en laine pour faire des acrobaties c'était mieux. Dede nous consolera. C'est pas grave, la plupart des blessures cicatrisent. Dans la maison c'est Brassens qui chante sur le tourne disque, ou du Jazz. Jean-Paul aime la musique, il aime danser, alors on danse avec lui. Je le coiffe aussi, même s'il n'a plus beaucoup de cheveux. Pas besoin de beaucoup de cheveux pour imaginer qu'on fait une superbe coiffure quand on est un enfant.
On fume des cigarettes en chocolat, on mange des cerises, même que parfois on se les écrase sur le corps pour faire comme si on saignait. On marche pieds nu, on se balade en culotte. Pas besoin d'habits quand on est heureux et que le soleil joue son rôle de tricot.
On se déguise, on invente des histoires, on joue dans le grenier.

Le bonheur fait plus de bruits que les fracas. Le bonheur couvre le bruit des sanglots, de l'enfance un peu volée parfois, des cris, la maladie. Le bonheur, c'est ce qu'il nous reste quand on vieillit et qu'on regarde derrière soi.

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