Le cliquetis de la vie #1 La beauté des gens simples

La vie, la vraie, c'est tout le temps, partout. La vie ça n'est pas que les grands voyages, les grands moments d'amour, les naissances et les morts. Non, la vie c'est aussi la mauvaise humeur du matin, la tablette de chocolat engloutie à 16h, le bouquin terminé à 2h, les migraines et les rires. La vie c'est tout ça, donc c'est aussi les courses un jeudi soir au petit Casino en bas de chez moi.

J'aime bien ce petit Casino, enfin il me dépanne pas mal comme on dit. Il est à 3 minutes à pieds de mon appartement, il n'est pas trop cher, pas trop grand et jamais trop bondé. Dans ce casino il y a une caissière que j'aime bien. Elle fait partie de ces gens, je les regarde dans les yeux une fois et ce que j'y vois suffit à me convaincre que la vie en vaut la peine.

Elle porte un carré court et auburn, elle a des mains qui semblent douces et fortes à la fois. Elle n'est n'y mince ni corpulente et ne parait ni grande ni petite. Elle est belle mais elle semble l'ignorer. 
Lorsqu'elle est à la caisse, je choisi toujours la sienne, même si la file est plus longue, juste pour le plaisir de partager un instant avec elle. Parce qu'elle fait partie de ces gens qui donnent de la gentillesse autour d'eux sans même s'en rendre compte. Elle a toujours le sourire dans la voix et ça c'est pas facile, surtout quand on fait un métier difficile comme le sien. 
Je le sais parce que j'ai déjà travaillé dans la vente, dans des magasins où c'était plus facile que dans la grande distribution et j'avais plus le sourire dans la voix. J'avais une boule au fond de la gorge et les larmes derrière les yeux. Alors quand je disais bonjour aux clients ils entendaient pas le sourire. Au mieux ils entendaient l'effort que je faisais à faire semblant de sourire, au pire ils entendaient le pincement qui fait une douleur aiguë jusque dans les tympans quand tu fais semblant que t'as envie de sourire alors que tu voudrais juste qu'on te laisse pleurer tranquille.

Faut savoir que dans la grande distribution ils font pas grand cas des humains. Eux, ce qui les intéresse ce sont les chiffres : combien de clients sont entrés hier, le prix du panier moyen, le chiffre d'affaire et l'objectif de vente du jour. Que Mylène n'ait pas dormi de la nuit parce que son petit Mattéo a fait la gastro hier et qu'il a bien fallut tout nettoyer quand il a vomi un peu partout et qu'en plus il a fallu trouver quelqu'un pour le garder à la dernière minute, parce que tu vois, à l'école ils en veulent pas dans cet état là, clairement c'est pas leur problème. 
On peut pas vraiment leur en vouloir, dans leur tête il n'y a plus que des chiffres, alors leur cœur du coup il fonctionne plus que par un système hyper mécanique et super chiant. Et quand il s'arrêtera y aura pas grand monde pour pleurer avec de vrais sanglots parce qu'ils avaient jamais pris le temps, entre deux additions, de le faire eux-mêmes pour les autres de leur vivant.

Du coup, je l'admire beaucoup cette dame. C'est pas un boulot facile qu'elle a mais ça l'empêche pas de dire bonjour avec toute la conviction possible à chaque client. Tu te sens unique et t'as l'impression qu'elle est vraiment contente de te voir à chaque fois et ça c'est vraiment rare à la caisse d'un supermarché. Parce que souvent les personnes qui sont à la caisse soit on leur a mis la boule qui fait mal au fond de la gorge à force de les traiter comme des chiffres, soit y a même plus de boule parce que les cramoisis du chiffre ils ont même réussi à tuer la boule qui fait un peu mal mais c'est parce qu'on est vivant. Je peux pas en vouloir à ceux qui baissent les bras, qui arrêtent d'être triste et qui se plient au chiffres sans broncher. Faut bien survivre comme on peut. On n'a pas tous eu les cartes sur lesquelles il est marqué "si ça te plait pas tout ça, prends une grande inspiration et lance toi vers autre chose, ça fait peur mais t'en es capable". Non, y en a on leur a rien dit du tout alors ils ont fait comme ils pouvaient, et comme ils pouvaient parfois c'était en faisant taire la boule qui fait mal quand on est triste et qui explose dans les rires quand on est joyeux, pour ne pas dérailler au premier chiffre pas assez bien pour le patron.
Donc quand au milieu de ceux qui ont la boule dans la gorge et de ceux qui sont anesthésiés par les cramoisis collectionneurs de chiffres, t'as une personne comme elle qui rayonne, tu réfléchis pas 50 fois, t'en profites à 100%.
Alors je l'observe, quand elle souhaite la bonne année au client d'avant, quand elle rassure la petite qui attend derrière moi et qui croit avoir perdu sa maman, quand elle me remercie avec un grand sourire satisfait parce que je lui ai dit qu'elle avait un joli tatouage. Je l'observe et je prends tout. La gentillesse qui brille dans ses yeux, la douceur de ces gestes et cette incroyable humilité dont elle transpire de partout. Comment on peut briller autant et ne pas le voir?

Cette dame du petit Casino en bas de chez moi, elle a une Aura comme on dit. C'est parce que des gens comme elle existent et qu'ils travaillent au petit Casino en bas de chez moi que je ne peux qu'avoir confiance en la vie. Parce que si pour trouver une personne comme elle j'ai qu'à aller acheter des bananes, une boite de conserve d'épinards hachés, de la crème fraîche et de la muscade, alors imaginez si je commence à chercher un peu combien je vais en trouver des dames et des messieurs qui brillent comme des étoiles alors que tout autour d'eux est fait pour qu'ils brillent pas trop...

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