Village de pêcheur sur la baie d’Halong - Vietnam

Aujourd’hui la compagnie que j’ai pris pour ma croisière sur Halong bay nous proposait la visite d’un village de pêcheurs.

Sur la baie d’Halong vivent des gens, ils ont construit leurs maisons sur pilotis et vivent de la pêche et de la culture de perles. 
Pour visiter le village il faut prendre des bateaux à rames, afin d’éviter le bruit. 
Jusqu’ici tout va bien.
Jusqu’à ce que je comprenne que nous allions nous faire promener. Sur le principe cela ne me pose pas de problème, ça se fait partout dans le monde et c’est un moyen assez chouette de découvrir certains endroits.
Ce qui m’a gêné c’est d’être transportée, avec 5 autres adultes, par une dame ayant l’âge d’être ma mère ou peut-être même ma grand-mère, pesant 45 kilos toute mouillée.
Je suis partagée par tout ça, oui les tips qu’on lui donne à la fin lui permettent de vivre, mais quoi? Les gens donnent 1 ou 2€. J’ai du mal à trouver que ce soit une rémunération décente vu la pénibilité du travail effectué. Passer sa journée sur la baie d’Halong à promener des occidentaux à la force des bras pour quelques centimes, ça n’est pas juste. Ça n’est pas normal. Ça a un goût rance de colonialisme, ça n’est pas équitable et ça me met terriblement mal à l’aise.
Combien paye-y-on les balades en bateau sur Venise ? Sûrement pas 1€. Est-ce que je payerai ma mère 1€ pour ça? Je ne pense pas. Même si le coup de la vie n’est pas le même ici, que la mesure de l’argent est différente, j’ai du mal à accepter cette injustice qui ne repose sur rien d’autre que « être né quelque part ».




Notre rameuse avait les yeux blanchis par la cataracte, sûrement à cause du soleil qui se reflète sur l’eau. 
Les vietnamiens protègent leur peau du soleil pour le pas bronzer mais ils ne protègent que peu leurs yeux (quand on sait le prix d’une paire de lunettes de soleil il n’est pas difficile de comprendre pourquoi). 
Elle avait le visage fermé, les traits tendus. Il y a de quoi.
Se lever aux aurores, balader des gens qui ne disent pas bonjour (j’ai été la seule du bateau à lui dire bonjour en vietnamien, je ne suis même pas sure que les autres aient pris la peine de le faire en anglais), et en profiter pour ramasser tous les déchets laissés dans l’eau par les uns et les autres, il y a de quoi ne pas avoir envie de sourire. 
On pourrait s’en offusquer, se dire qu’elle devrait faire un effort ou que ce n’est pas commercial. On pourrait. 
Mais c’est bien facile de dire ça lorsqu’on a le choix. Quand on est né au bon endroit. Lorsqu’on peut préférer un boulot à un autre, lorsque, même lorsqu’on n’a pas fait beaucoup d’études on peut choisir d’être ou non au contact du public. 
C’est moins facile lorsque chaque jour est un combat, lorsque les choix sont limités par l’argent. On ne parle pas de SMIC ou de RSA ici, on parle de marcher ou crever. La réalité est celle-ci, se lever chaque jour pour se nourrir aujourd’hui, sans savoir si demain on pourra encore ramer.


J’aurai aimé faire autre chose pour cette dame que de lui donner plus que ce qui était « préconisé » par la compagnie. J’ai l’impression de n’avoir pas donné assez et surtout d’avoir été inutile.
Je me suis retrouvée dans cette barque sans savoir d’avance que j’allais y être et je n’avais sur moi comme unique chose à offrir qu’un peu d’argent et toute mon impuissance.
Elle m’a sourit sincèrement, le visage fermé, les traits tirés, tout a disparu pour un joli sourire. Elle m’a sourit pour un peu d’argent. Elle m’a donné plus que je n’ai pu faire, elle m’a donné une leçon sur le monde. 
Elle m’a donné l’occasion de mesurer ma chance une fois de plus, de la toucher du bout des doigts. Je suis infiniment reconnaissante envers la vie pour tout ce qu’elle m’offre. Je n’aurai jamais assez de mots pour pouvoir exprimer à quel point je suis reconnaissante pour tout cela, à quel point les leçons d’humilité qui jalonnent les voyages sont de précieux trésors à garder au fond du cœur pour tous les mauvais moments passés et à venir. 
J’ai le sentiment d’avoir pris plus que ce que je n’ai pu donner. Alors j’ai pleuré un peu.

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