Le jour où j’ai rencontré le Vietnam

Voilà une journée ordinairement extraordinaire de voyage qui s’achève. 
Je ne sais pas pourquoi je suis encore surprise de ça. Surprise d’être surprise. Alors que c’est pour ça que je le fais. Il faut croire que j’avais peur que ça n’arrive pas. Il aura fallu 48h à peine pour me rassurer.


Commençons là où je vous avais laissés toute à l’heure : jet laggée je partais pour une sieste. 
À 13h30 je me réveille, je ne suis pas motivée. Encore décalée et Hanoï ne m’a pas convaincue. J’ai du mal à comprendre comment vivent les vietnamiens, leur façon de servir, leurs habitudes. Je suis dans une torpeur qui me paralyse un peu et j’ai envie de quitter cette ville au rapidement. 
À 15h je me décide enfin à sortir du lit pour m’apercevoir qu’il pleut des cordes. Mon plan balade tombe à l’eau (c’est le cas de le dire). J’envisage d’aller au Mausolée d’Ho-Chi-Minh en Grab (l’équivalent d’Uber en Asie) mais avant ça il faut que je mange quelque chose. 
Ça ira mieux une fois le ventre plein.

Je quitte mon hostel (qui n’est pas le même que celui de ce matin en raison d’une panne de courant qui les a obligé à nous reloger). 
Je ne sais pas exactement où je suis mais Google Map est mon ami, j’enregistre l’adresse et je sauvegarde la carte pour qu’elle fonctionne hors connexion (la technologie facilite terriblement les voyages). 
J’avance. Non j’erre. 
Je ne sais pas où je vais. 
Épuisée par la faim et les nouveaux horaires auxquels je ne me fais décidément pas, je m’arrête au hasard. Enfin hasard pas tout à fait, l’endroit où je m’arrête est plein de Vietnamiens, et s’il y a bien une chose que j’ai apprise en voyage c’est que manger avec les locaux c’est s’assurer de bien manger pour pas cher.
Je commande des fingers cheese. 
Une fois terminé j’essaye de recommander mais je n’arrive pas à interpeler le serveur. Ça m’énerve un peu. Au bout de quelques minutes un mec vient s’assoir à la même table que moi, il comprend que je suis française et interpelle le serveur pour moi en vietnamien. 
Il est français aussi, mais lui ça fait un mois et demi qu’il est là. 
On discute, on échange, il me propose de venir avec lui, il va chercher sa moto au garage pour la ramener à son hostel et, si je le souhaite, on peut aller se balader après. Je n’avais pas de plan, maintenant j’ai quelque chose qui y ressemble alors je fonce. 
Quelques minutes après me voilà sur une moto dans Hanoï, au milieu de la nuée de deux roues (faire du 2 roues au Vietnam : check). On va se promener, on va boire un café, puis une bière, on regarde les vietnamiens fêter leur défaite au foot, contents de leur 4ème place à je ne sais quelle compétition asiatique de football. 
La fourmilière Hanoï s’agite gentiment autour de nous, ça y est, je commence à l’aimer.

On va manger? Oui on va manger. 
J’ai mal au dos, Reynald me parle d’un plan pour un super spa qu’il me conseille, je note. Je parle de mes plans pour demain : la visite du mausolée et un massage, le soir je ne sais pas si je serai sur Hanoï, peut-être pour profiter de la fête nationale, on verra. 
Et puis en fait, pourquoi pas ce soir pour le massage. Il me dit d’attendre un instant, qu’il va demander à son amie vietnamienne les horaires du spa, qu’un tatouage l’attend demain et qu’il n’aura plus le droit au massage pour plusieurs jours. Il est 21h20. Son amie lui dit "si vous y êtes avant 22h, c’est bon." 
Deal.

Quelques minutes plus tard, on monte dans un taxi, direction un spa un peu en dehors, là où je ne serai certainement pas allée sans qu’on me l’ait recommandé.

C’est là que commence un moment hors du temps et du monde.

Il est aux environs de 22h, Reynald part du côté homme, je rejoins les femmes. Que des vietnamiennes. Je me retrouve nue à 10 000 km de chez moi. 
Nue dans tous les sens du terme, nue, émue, impressionnée d’être entourée d’une quinzaine de femmes nues aussi, belles et gracieuses. 
Mais finalement, on se ressemble plus qu’il n’y parait, les tatouages et piercings en moins. Les cheveux noirs de jais et le corps menu en plus.

Ce qui me frappe le plus c’est la bienveillance dont je suis entourée. Douce et tendre, simple et évidente. Je ne suis pas une intrus ici, au pire une personne de plus, au mieux une agréable surprise. 
C’est doux, c’est chaud, c’est réconfortant.

Un bain dans un tonneau, un jacuzzi, je partage un moment unique avec ces femmes qui ne parlent pas ma langue et ne connaissent que peu l’anglais. Je me sens à ma place, celle où j’avais envie d’être à ce moment précis. 
Parce que ce massage je ne le fais pas dans un salon de touristes, parce que je le partage avec celles qui font du Vietnam ce qu’il est chaque jour : les femmes vietnamiennes. Ces femmes qui, je l’ai appris ce soir, font courageusement marcher la société, ont les métiers les plus difficiles, que beaucoup d’hommes semblent avoir abandonné ici (pour l’alcool et les bang). Après ça, je me ferai masser une heure. 
Pendant une heure la masseuse appuiera sur tous les points douloureux pour les dénouer, avec force et attention, comme on délasse des chaussures trop serrées. Je suis sortie de là lessivée mais détendue et heureuse, j’ai vécu ce que je suis venue chercher ici : un moment inattendu mais provoqué.

On me demande souvent si je n’ai pas peur de m’ennuyer à voyager seule. Je crois que si l’on est prêt à accueillir avec douceur ce que le monde nous propose, il n’est pas possible de s’ennuyer dans un voyage comme celui-ci. Il y a toujours une rencontre, un sourire, un moment inattendu qui se profile. On communique avec des gens dont ne comprend pas la langue et c’est doux et rassurant. Surtout, on prend conscience de l’énergie qu’on perd parfois dans nos vies à essayer en vain de communiquer avec ceux dont on comprend pourtant chaque mot.


Ça y est, c’est le moment que j’attendais tant, celui que j’ai eu peur de ne jamais vivre. 
Si le paris n’était pas très risqué, il y a toujours la crainte quelque part en moi de m’être trompée d’endroit, de m’être trompée de moment. 
Mais c’était bien le bon endroit et c’était bien le bon moment. Je le sais car c’est aujourd’hui le Vietnam à choisi pour me prendre par la main et me dire « regarde, ici aussi le monde est beau ».

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