8 Mars 2020



Depuis les César, je déborde de toutes ces émotions qui sont envahissantes : colère, tristesse, angoisse, peur. Je lis les nouveaux témoignages en me disant que j’ai finalement de la chance, parce qu’elles sont si nombreuses à avoir vécu pire que moi. Imaginez ce monde où on se dit qu’on a de la chance, parce que les viols qu’on a subit n’était finalement pas si violents, parce que j’ai été épargnée jusqu’à mes 15 ans. Ce monde c’est le notre, celui des femmes dans une société sexiste, notre quotidien dans un pays patriarcal, nos blessures causées par le machisme.

Mais le plus compliqué c’est que depuis vendredi je repense à tout. Mon ex qui me viole régulièrement pendant des années. Ce mec avec qui j’ai couché et qui n’a pas arrêté quand je lui ai demandé car j’avais mal. Ce pote qui voulait qu’on couche ensemble dans un Jacuzzi, devant son pote, qui mettait ses mains sur moi et face auquel j’ai dû me mettre en colère pour qu’il arrête, parce que non, même s’il "ne dira rien à personne" je n’ai pas envie de coucher avec toi devant lui et que j’ai déjà dit non 4 fois donc stop.

Je repense aussi à ma surprise la fois où j’ai rendes-vous avec un plan cul, qu’il me propose de le sucer, que je dis non j’ai pas envie. Ma surprise de le voir dire « ok » en haussant les épaules et lancer une vidéo sur son téléphone pour qu’on s’occupe autrement. Une surprise qui en dit long sur tous ceux qui ont insisté malgré mon refus. Une surprise qui m’a fait réaliser à quel point j’avais le droit de dire non et combien ça ne devait pas être dramatique. Jamais.

Je repense à tous ces mecs qui ont essayé de me sodomiser par surprise, ou malgré mon refus. A tous ceux qui ont essayé de coucher avec moi sans capote, sans me demander ni me prévenir et qui ont attendu que j’en fasse la remarque pour me dire « je n’en ai pas » « je n’aime pas » ou me faire du chantage « c’est sans ou rien ».

A tous ceux qui m’ont frappé les fesses sans m’avoir demandé si c’était ok pour moi, à tel point que je trouvais étrange qu’on me demande mon avis avant de le faire. A tel point que j’avais assimilé ça comme une pratique sexuelle ordinaire. Comme si on pouvait faire basculer le rapport sexuel dans la violence sans en parler avant, sans en déterminer les limites ensembles.
Pour beaucoup, la seule limite c’est leur envie, et leur envie c’est de dominer, de faire mal et de nous soumettre.
En me tirant les cheveux à me donner la sensation qu'on m'étrangle, en appuyant sur la tête pendant la fellation à me donner envie de vomir. Tout ça, sans demander avant si je suis d'accord, sans demander pendant si je vais bien, sans demander après si ça a été. Sans rien demander, parce qu’ils s’en foutent de demander, parce qu’on leur a appris que baiser c’est posséder, qu’être viril c’est être violent et que le plaisir c’est prendre. Prendre une meuf, ça ne semble pas nécessiter son consentement. On prend. On ne partage pas, on n'échange pas, on prend tout simplement. Comme si le corps de l’autre n’était qu’un objet.

Je sais très bien les réactions que peuvent susciter des témoignages comme le mien, on dira que je ne me suis pas défendue alors que j'ai dû aimer un peu, et puis que je n'avais qu'à mieux choisir avec qui je couche. Mais je sais que ces argument n'ont qu'un but : me rappeler que quand même, je suis responsable de ce qui m’est arrivé. 

Je ne suis pas dupe sur le fait qu’il ne s’agit là que de techniques pour détourner le problème. 
Car quand l’immense majorité des femmes témoigne sur le fait qu’elle a subi des violences sexuelles, avant même avoir eu 18 ans, et trop souvent avant même d'être pubères. Que des amourettes d’apparence sans histoire cachent régulièrement des agressions qui ont parfois l'air anodines mais qui n'en sont pas moins traumatisantes. Que les responsables de ces actes sont nos pères, nos frères et nos amis. Alors venir accuser les femmes de leur choix c’est se détourner volontairement du problème. 


Le choix est impossible puisque l’agresseur se cache potentiellement derrière chaque homme qui croise nos route. Le choix est impossible puisque nos enfances sont entachées au plus jeune âge, par des mots et des actes sexistes. Le choix, c’est aux hommes de le faire, c’est à eux de choisir de se déconstruire, de se questionner, et de s’assurer de ne pas avoir été, et a minima de ne plus être, un agresseur, un violeur. C’est à eux de reprendre leurs amis qui agressent.

Je n’ai eu que de très rares relations où je ne peux pas recenser de comportements problématiques lié au consentement.

Mais comme on l’a vu dans la grande fête du cinéma : ils se serrent le coudes bien fort, se donnent des médailles, puis nous expliquent dès qu’ils en ont l’occasion que nous ne devons pas tout mélanger, que tout le monde a le droit à l’erreur (sauf les femmes quand elles choisissent leurs fréquentation, leur tenue, leur sexualité, leur liberté) et que ce sont eux les victimes de toutes ces prises de parole.
On le voit partout, tout le temps. Et plus c’est près de soi, plus on a tendance à blâmer la victime et victimiser l’agresseur.

C’est ça qui tourne en boucle dans ma tête depuis quelques jours : ils nous agressent et ensuite ils nous accusent d’être responsables de ce qui nous est arrivé. Et ça, je ne peux plus le supporter.


Alors ?


Alors on se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde.

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