Comment on fait un bébé ? #1 La pression sexuelle



Avril 2022

Personne ne parle de ça. Du moins je n’ai jamais entendu personne en parler. C’est comme si personne n’éprouvait de difficulté, comme si c’était un chemin bordé de pâquerettes. On arrête sa contraception et on fait un bébé. On fait l’amour, c’est facile ça. Parfois peut-être qu’on programme un peu tout ça, mais ça reste simple.

Je ne parle pas de celles et ceux qui ont des difficultés à concevoir. Je ne fais pour le moment pas partie de ceux-là. Je parle de moi, de nous. Je parle de ceux qui commencent juste à essayer et pour qui, a priori, il n’y a aucun problème à l’horizon.


C’est comme si tout était simple pour les autres, du moins vue de l’extérieur, et comme personne n’en parle de toute façon, il est difficile d’imaginer ce qui est vraiment.

Mon rapport à la sexualité est compliqué. J’ai perdu 7 ans de ma vie dans une relation dans laquelle mes désirs, envies et mon consentement n’avaient aucune place. J’ai passé 7 ans à construire des stratagèmes (souvent sans même en avoir conscience) pour esquiver le sexe. On ne déprogramme pas les 7 premières années de sa vie sexuelle en un claquement de doigt. Alors dans la vie de couple “classique”, j’ai trouvé un mode de fonctionnement qui me va à peu près : je préfère me passer d’un contact physique (sexuel ou non) dès lors que je ressens le moindre grincement, je moindre grain de sable. Je sais que je me prive de tendresse, je sais que parfois les choses viennent une étape après l’autre, mais si cela semble facile pour beaucoup de laisser les choses se faire et d’éventuellement stopper si cela ne convient plus, pour moi c’est l’angoisse absolue. Parce que j’ai construit ma sexualité avec une réalité qui n’est pas celle-là. Dire oui à un baiser c’était nécessairement accepter tout ce qui pourrait en découler.


Alors pour l’instant, la manière qui me permet de vivre sereinement ma sexualité ça a été de me dire que je pouvais dire non dès le départ si je n’étais pas sûre de vouloir une suite. Et voir mon mec accepter sans en faire une affaire d’Etat m’aide aussi évidemment*.

C’est déjà quelque chose de moins évident qu’il n’y parait, puisqu’on a tous en têtes les chiffres des différents magasines sur la fréquence des rapports sexuels en couple sensée être normale. Mais finalement, j’ai dealé avec ça, ce qui se passe dans notre lit ne regarde que nous, tant pis pour les stats.


Là où ça se complique, c’est quand on commence à essayer de faire un bébé. Parce que essayer de faire un enfant c’est avoir une vie sexuelle (du moins dans le couple hétéro), et c’est aussi avoir une vie sexuelle à des moments assez précis pour maximiser les chances. Alors je sais, on me l’a dit, ça ne sert à rien de se mettre la pression ou de calculer le déroulement de son cycle. Sauf que dire “il ne faut pas se mettre la pression” au mieux ça ne sert à rien, au pire ça aggrave les choses. Car une fois qu’on a dit ça, on ne résout absolument pas ladite pression et s’il suffisait de se dire “je ne me mets pas la pression” pour que ça fonctionne, ça se saurait.

Ensuite, ne pas calculer son cycle, ça va peut-être pour les gens hyper détendus, qui ne programment pas l’intégralité de leur vie. Pas pour moi.

De plus, mon cycle je le connais par cœur, je connais les signes physiques d’une ovulation et j’en connais la périodicité. Donc impossible de l’ignorer, même si je le voulais. Sous DIU je savais déjà quand j’ovulais ou non, alors même que ça n’était pas une info “utile”, aujourd’hui que c’est le cas, comment je pourrai l’ignorer ?


Je peux vous dire que le cumul entre la complexité de mon rapport à la vie sexuelle en temps normal et le fait qu’avoir un enfant, dans mon cas, c’était devoir avoir des rapports sexuels, m’a un peu fait regretter de ne pas avoir ce projet avec une femme (vraiment, je me suis dit “ça serait tellement plus simple” alors que je me doute que non et que les problèmes sont autres).


Je n’ai pas de réelle conclusion à tout ça, j’avais juste envie d’écrire quelque part quelque chose que je n’ai jamais lu ou entendu nul part : se lancer dans la conception, même quand il n’y a a priori pas de souci de fertilité, ça n’est pas facile pour tout le monde. Ça ne l’est pas pour moi en tous cas. Et comme la seule image que j’ai de ce moment est une image romancée, dans laquelle tout est simple pour tout le monde, on fait l’amour, on est heureux, c’est beau… Il m’est d’autant plus difficile de constater que non, pour moi ça n’est pas ça.

J’aimerai, j’adorerai même, mais non, c’est compliqué et les tiraillements qui en découlent sont durs à vivre. Passer ma journée à me dire “il faut qu’on fasse l’amour aujourd’hui” et être totalement pétrifiée à cette idée le soir en rentrant chez moi, ça n’est pas agréable. Je me dis que c’est peut-être car c’est le tout début, peut-être qu’après plusieurs cycles, après des essais dans la bonne période, je vais me détendre. Mais en vrai, je n’en sais rien. Et quand bien même ça deviendrait plus facile, ça ne retire rien à ce que je ressens là, maintenant.



*NB : c’est normal de ne pas faire une affaire d’un refus, ça ne devrait pas être quelque chose d’extraordinaire, si ça l’est pour moi c’est parce que j’ai vécu une vie dans laquelle on a piétiné mes désirs.

Commentaires

  1. Qu’il est important, ce texte. Merci de nous l’avoir partagé. Et très heureuse pour vous que vous ayez réussi ensemble. Combien de cycles ça a pris, finalement ? Et est-ce que c’est devenu plus facile, comme tu t’interrogeais ?

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    1. Merci pour ton commentaire. J’ai eu une chance insolente et je suis tombée enceinte dès le premier cycle d’essai… alors je ne sais pas si ça serait devenu plus facile, ce que je sais c’est que si c’était resté aussi angoissant j’en aurai parlé à ma psy pour qu’on travaille dessus car je pense que ça serait devenu très vite invivable…

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  2. Tu as totalement raison. On en parle pas. Alors que non, ce n'est pas simple. Parfois ça excite de se dire que ce soir c'est le jour j. Pas pour toutes. Alors tu "prends sur toi" pour "la bonne cause" mais oui ça pose question. Au final est ce que ça serais pas plus simple dans une éprouvette ? Non bien sûr que non. Mais c'est pas simple quand même. Pas quand tout est millimétré. Pas quand tu calcule tout tout le temps. Parce que ne pas contrôler c'est prendre un risque, et que les risques sont inacceptables puisque trop de risque de souffrir. Pardon c'est très décousu, j'espère que ça aura un semblant de sens. Pour ma défense je ne vois pas ce que j'écris quand j'écris ça ne m'aide pas à avoir une plume sensée.

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    1. Je comprends très bien ce que tu veux dire. Ne pas calculer c’est risquer de manquer le jour d’ovulation et c’est risquer donc de voir ses règles venir le mois qui suit… c’est insupportable et c’est du coup légitime de ne pas pouvoir faire autrement.

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  3. Thank you for sharing! We have two lovely daughters. The first was conceived when we were just enjoying sex together. The second when we were “trying for a baby”. Trying for a baby is hard work, sometimes stressful and not very romantic. We had to keep track of my wife’s cycles and have sex on certain days. It took a number of cycles with us feeling disappointment when nothing happened and elation when we finally got there.

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