Comment on fait un bébé ? #11 Ceux qui quittent nos ventres




Juillet 2022


 Je lis une vie possible de Line Papin.

J’ai avorté et j’aimerai que tout le monde le sache. Pas car j’en serai fière, mais parce que personne ne devrait en avoir honte. Ça ne devrait pas être tabou. Pas plus que les bébés qui quittent nos ventre trop tôt. Les grossesses interrompues ne devraient pas être tabou, ne devraient pas se vivre dans le silence, si ce n’est parce qu’on en a fait le choix.


J’ai avorté. En avortant j’ai découvert que je voulais être mère, que je le désirais profondément. Pas là, pas à cet instant, mais plus tard.

Aujourd’hui je porte la vie, et je l’ai annoncé avant les 3 mois pendant lesquels on nous invite au silence. Parce que je ne voulais pas vivre seule l’éventuelle perte de cet embryon. Mais aussi pour le tabou, celui que je ne veux pas laisser me bâillonner. Et puis pour l’enfant en devenir, car je voulais que quoi qu’il arrive il ait existé ailleurs que dans mon ventre, ailleurs que dans nos projets de couple. Cet enfant existe puisque je pense à ce qu’il sera. Et s’il n’est pas, cela ne voudra pas dire pour autant qu’il n’a pas été. Il a été ma sidération face au test positif, ma fatigue des semaines durant, il est ces petites mains fripées que j’imagine. Cet enfant est puisque j’imagine mon avenir avec lui.


J’ai avorté, c’est ce qui m’a fait réaliser que je voulais être mère, que quelque part je l’étais déjà. Et si j’en parle c’est que ce que j’ai avorté a existé, puisque je l’ai imaginé et que j’ai pensé à ce que pourrait être ma vie avec lui. J’ai décidé de faire sans lui, car ça n’était pas le moment. Mais il a existé, je l’ai appelé Théophile et personne ne pourra jamais me retirer ça. Il n’y a pas de honte à choisir la vie qu’on veut avoir, à choisir d’être mère ou de ne pas l’être, à choisir quand, à choisir comment et nous avons le droit de dire : je ne veux pas être mère maintenant même si je le suis déjà un peu. Nous avons le droit de dire : je suis mère car j’ai porté la vie et que cette vie est partie.


Nos ventres ne sont pas des territoires honteux, contrairement aux esprits de ceux qui souhaiteraient nous le faire croire.


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